Les origines béarnaises
Daniel Auger de Subercase est né à Orthez le 12 février 1661 de Jourdain d’Auger et de Marie de Boyrie. Il est le petit-fils de Jean Dauger, bourgeois de Nay, acheteur de plusieurs terres nobles dont l’abbaye laïque de Subercase située près d’Asson à une vingtaine de kilomètres au Sud Est de Pau. Il est baptisé au temple protestant d’Orthez. Plus tard, en 1696: il sera jugé « sans religion » puis, en 1699, »bon chrétien ». C’est donc probablement un protestant converti par commodité comme cela est fréquent en Nouvelle-France.
Ci-contre: Le temple à Orthez
Une carrière militaire brillante
Il commence cette carrière en France et gravit rapidement les grades. Enseigne puis lieutenant, il devient capitaine à 23 ans, au régiment de Bretagne. Avant 1687, il se marie avec Marie-Anne du Bourget, apparemment veuve d’un certain Etienne Pesselier. Passé dans les troupes de marine, il lève une compagnie en 1687. Il se distingue dans diverses campagnes contre les Iroquois. Après le massacre de Lachine en 1689, il veut les traquer mais M. de Vaudreuil le lui interdit ayant des ordres du Marquis de Denonville de ne pas poursuivre .. En 1690, il se poste à l’Ile d’Orléans avec la garnison de Villemarie pour prévenir un débarquement éventuel de Phips face à Québec. Fait lieutenant de Vaisseau et major des troupes en 1693, il déploie beaucoup d’activité dans cette fonction mais entre en conflit avec le commissaire de la Marine Tantouin de la Touche. 1696 le trouve major général de l’expédition de Frontenac contre les Iroquois. Le Gouverneur Général l’envoie ensuite en France, avec les dépêches, rendre compte de l’état des troupes.
Un gouverneur de Plaisance très actif
Nommé Gouverneur de la partie française de Terre-Neuve le 1er avril 1702, il passe d’abord en France pour régler des affaires personnelles et ne prend possession de son poste qu’en août 1703. Il trouve Plaisance dans un piteux état. Son prédécesseur, l’intérimaire Joseph de Monic, n’a pas fait grand chose. Subercase agit sur plusieurs fronts:
-mettre la colonie en état de défense contre les Anglais qui occupent l’Est et le Nord de l’Ile, refaire les fortifications et les protéger par une digue, améliorer l’existence des soldats.
-assurer le ravitaillement en implantant des cultures céréalières et potagères et des élevages pour compléter les approvisionnements expédiés de France.
Fort de Plaisance vers 1675, Archives nationales du Canada.
Il prend l’initiative d’attaquer le premier. Avec un renfort de Canadiens et de « sauvages » venus du Canada sous le commandement de Dubois Berthelot de Beaucourt, il organise en janvier 1704 une expédition terrestre forte de 450 hommes et appuyée sur mer par un brigantin. Cette expédition parvient à Saint John malgré le froid. Elle ravage le port et le bourg mais ne peut prendre le fort faute d’appui du brigantin qui ne paraîtra jamais. Le début de la saison de pêche fait lever le siège mais Subercase envoie un détachement commandé par De Montigny et appuyé par les Abénakis du fameux Nescambiouit ravager les postes anglais du Nord de l’Ile. Le gouverneur encourage aussi la création d’équipages corsaires formés de jeunes marins de Plaisance, de Canadiens et de Mic-Mac venus du Cap-Breton. Ces corsaires harcèlent les anglais tant sur terre que sur mer. Subercase a même en tête un projet d’hôpital qu’il souhaite confier aux religieuses Hospitalières de Québec et qui serait financé par une contribution d’un quintal de morue par navire de pêche. Mais il n’aura pas le temps de le mettre en oeuvre. Créé chevalier de Saint-Louis en 1705, il est nommé Gouverneur de l’Acadie en résidence à Port-Royal le 10 avril 1706.
Le dernier gouverneur de Port-Royal
Auger, qui succède à Brouillan décédé le 22 septembre 1705, ne prend son poste que le 28 octobre 1706. A son arrivée, comme à Plaisance trois ans plus tôt, il trouve le pays dans un état lamentable et manquant de tout. Il est contraint d’emprunter de l’argent et de fabriquer de la « monnaie de carte » pour faire face à ses obligations.Comme à Plaisance, il s’efforce d’agir dans plusieurs directions mais il est gêné par l’absence de moyens et par la pression anglaise. Il fait réparer les murailles de la forteresse écroulées en trois endroits. Il fait aussi construire une frégate pour laquelle il demande un équipage à Québec. En janvier 1707, Port-Royal est attaqué par le colonel bostonien John March avec une vingtaine de navires et 1600 hommes. Subercase se défend vigoureusement, organisant plusieurs sorties. Il est appuyé à l’extérieur par Bernard-Anselme de Saint-Castin et un contingent d’Abénakis. Il repousse l’assaut donné le 16 juin avec son artillerie. Les Anglais finissent par se retirer mais ils ont causé beaucoup de dommages aux maisons, troupeaux et cultures. Le 20 août, nouvelle attaque de March dont les troupes ont été renforcées. Subercase fait à nouveau plusieurs sorties toujours appuyées à l’extérieur par Bernard-Anselme de Saint-Castin et ses Abénakis. Ce dernier est blessé légèrement tandis que l’enseigne de Saillans est blessé mortellement mais les Anglais doivent à nouveau se réembarquer. Subercase reçoit une gratification pour sa conduite, gratification qui sera convertie en 1710 en pension de 6OO livres.
C’est alors pour la France l’époque des revers de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714). L’administration de Louis XIV ne peut envoyer ni approvisionnements, ni renforts, ni argent. Subercase en est réduit à vendre sa vaisselle d’argent pour payer les réparations du fort. Il n’arrive à tenir que grâce à l’action des corsaires, en particulier de Pierre Morpain de Saint Domingue. Lui-même et Bernard-Anselme s’essaient à armer des embarcations en course. Alors que Samuel Vetch et Francis Nicholson vont en Angleterre et y trouvent bon accueil et aide, Subercase et les habitants de Port-Royal ont l’impression d’être abandonnés. Le mécontentement et la discorde se répandent à nouveau. Subercase n’est plus certain de ses soldats, souvent très jeunes et inexpérimentés. A cette situation s’ajoute une épidémie de fièvre pourpre qui épuise la garnison et la population. En octobre 1710, nouvelle attaque des Anglais conduits par Nicholson avec 36 navires dont 7 de guerre et peut-être 3000 hommes ou plus. Assuré de sa victoire, il amène avec lui le colonel Vetch nommé gouverneur dès avril 1710. Subercase n’a que 300 hommes à leur opposer (150 de troupes réglées, une centaine de miliciens et le reste en corsaires et en canadiens). Les « sauvages », qui s’estiment mal récompensés de leur appui lors des précédents sièges et sont mécontents des prix offerts pour leurs fourrures se tiennent cette fois à l’écart. Les attaquants arrivent à établir une batterie à l’abri du feu du fort. Cette batterie bombarde plusieurs nuits de suite les assiégés L’effet en est dévastateur, provocant des désertions et amenant les habitants à faire pression en faveur d’une reddition. Subercase négocie et obtient les honneurs de la guerre. Il arrive même à vendre aux Anglais l’artillerie qu’il ne peut emporter pour une somme de 7499 livres qui lui permet de régler ses dettes les plus pressantes.
Robert Sauvageau a porté sur Auger un jugement sévère (cf. son livre cité ci-dessous dans les SOURCES p.152-156) mais le gouverneur avait bien des raisons d’être découragé par l’attitude de la métropole et du ministre Pontchartrain et par celle du Gouverneur Général de la Nouvelle-France le Marquis de Vaudreuil qui ne l’avaient jamais efficacement soutenu. Quoiqu’il en soit la capitulation signée par Auger est assez libérale. Les habitants « de la banlieue » peuvent garder leurs biens et demeurer sur place à condition de prêter un serment d’allégeance. S’ils le refusent, ils ont deux ans pour se retirer. Au total, ce ne sont que 250 personnes (garnison et quelques familles acadiennes ) qui sont rapatriées en France où elles arrivent en décembre 1710. Comme c’est la règle en cas de capitulation, Subercase est traduit en conseil de guerre mais il est acquitté malgré les accusations de certains de ses officiers (De Gannes de Falaise, l’ingénieur de Labat qu’Auger avait accusé de vouloir passer au service des Anglais) En 1711, il rejette la proposition de Pontchartrain d’aller à Québec, sous les ordres de Vaudreuil mais avec sa solde de gouverneur, pour préparer une reprise de port-royal.
Retour au Béarn
Subercase revient dans sa province natale où il a de la famille sur laquelle on est mal renseigné ? Un fils? Un neveu, Jean de Laur dit le Chevalier de Subercase, qui avait séjourné quelque temps à Plaisance ?
En 1719, on sait qu’il séjourne à Jurançon.
Il meurt en 1732 à Cannes près de Montereau dans l’actuelle Seine et Marne sans que l’on sache ce qu’il allait faire aussi loin.
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