Si Marie Antoinette s’était évadée ?
Par Léa Wait
(Traduit par M.P. Bengochéa)
Y-a-t-il un lien entre Marie Antoinette et le Maine aux États-Unis ? Cela fait plus de 100 ans qu’on se pose la question, depuis qu’en 1893 fut publié dans la gazette dominicale de Boston un article anonyme, disant qu’il était notoire à Wiscasset dans le Maine, qu’un capitaine de marine originaire de la ville avait été impliqué dans un complot, ayant pour objectif de libérer la reine de France de la Bastille et de l’amener dans sa résidence en Nouvelle Angleterre.
La demeure en question appartenait au Capitaine S.Clough , ancien de la guerre d’indépendance et originaire du Massachusetts, époux de Sarah Decker et quelques années plus tard, propriétaire de la demeure où elle avait grandi, maison à deux étages, de style colonial classique, construite en 1774 à l’extrémité nord de ce qu’on appelait l’Île de Jeremy Squam.
Clough s’était associé à James Swan qu’il avait rencontré à Boston pendant la guerre. Swan avait fait connaissance de Lafayette à ce moment là et après la guerre, il était parti à Paris où il s’enrichit en achetant et vendant des dettes de la guerre américaine. C’est à Paris qu’il poursuivit son amitié avec Lafayette et rencontra Talleyrand.
Il importait aussi des mâts et des vaisseaux, des espars (pièces de gréement d’un bateau) en provenance du Maine, les vendait à l’armée française et renvoyait du sel aux États-Unis. Stephen Clough commandait les navires qu’il utilisait pour ce négoce connu sous le nom de « commerce du sel et des espars »
En 1793, le Capitaine Clough mit la cap sur le Havre à bord de son navire « Sally » sous les ordres de de Swan. Ce dernier, ainsi que Lafayette et Talleyrand soutenaient la famille royale de France et se trouvèrent dans l’obligation d’aider les royalistes à échapper aux foules partisanes du règne de la terreur. Ont-ils essayé d’aider Marie Antoinette à fuir de la Bastille ? Nous l’ignorons.
Il y eut bien des complots allant dans ce sens et comme nous le savons, tous échouèrent.
Beaucoup de royalistes prirent la fuite vers l’Angleterre et les États-Unis, mais ceux qui ne quittaient pas la France furent emprisonnés et dans bien des cas guillotinés.
D’après les registres des douanes, il apparaît que le Capitaine Clough revint en France en 1793 et embarqua non pas du sel comme il en avait l’habitude, mais une cargaison de fournitures d’ameublement comprenant des tapisseries, des porcelaines, des vêtements et du mobilier. Il y eu des gens pour dire que toutes ces choses étaient destinées à Marie Antoinette pour qu’elle ne fût pas dépaysée au Nouveau monde, dans le cas où elle aurait réussi à prendre la fuite. Mais on peut aussi affirmer qu ‘elles ne lui appartenaient pas puisqu’on avait confisqué ou détruit ce qu’elle possédait au moment de son emprisonnement. Il st fort probable qu’elles appartenaient à quelques familles royalistes que Clough avait aidées à fuir. Peut-être que ces gens qu’il aidait ne réagissaient pas assez vite et étaient arrêtés. Le bruit court que le bateau de Clough naviguait en pleine nuit !
Clough navigua jusqu’à Boston où la majeure partie des marchandises de valeur en provenance de France furent dirigées vers la demeure de Swan à Dorchester dans le Massachusetts. Quelques années plus tard, la fille de Swan épousa le Général Henry Knox et partit vivre dans le Maine en emportant quelques meubles français. Swan resta en France où il mourut en prison (emprisonné pour dettes). Les biens qui étaient toujours dans sa maison furent vendus aux enchères en 1885 et la plupart sont maintenant au musée des Beaux Arts de Boston, présentés dans une pièce décorée d’un portrait de Swan réalisé par Copley.
La demeure où, disait-on , devait se rendre Marie-Antoinette était celle de Clough. En 1832, on déplaça les affaires de la maison de l’Île d’Y. Squam. Sqam (Wesport de nos jours) à Edgecomb sur le continent, dans une maison située sur une colline et dominant la Rivière Sheepscot.
Le capitaine Clough appela sa plus jeune fille Hannah Antoinette et depuis lors, il y a une Antoinette dans chaque génération dans sa famille. Clough mourut sur le Mississippi en 1813 alors qu’il pilotait un bateau à vapeur.
Après la parution de l’article anonyme dans la Gazette de Boston en 1893, on prêta beaucoup d’attention à la « Maison de Marie-Antoinette » comme on l’avait baptisée dans bien des articles et cartes postales. En ce temps là, Sarah Chase, veuve âgée du Capitaine Enoch Chase en était la propriétaire. Exaspérée par les recherches d’informations sur l’histoire de sa maison familiale, Sarah demanda à son petit fils, de 12 ans environ à ce moment là, de récupérer tous les « lochs » (instruments qui mesurent la vitesse) de bateau entassés dans le grenier de sa maison et de les jeter dans la rivière. Il fallut que le jeune garçon fasse plusieurs voyages en barque pour se débarrasser de tous. En conséquence, tout renseignement sur les événements de 1793, sur l’éventuelle venue de la Reine de France dans l’État du Maine fut perdu à jamais. Mais de nos jours, bien que la « Maison de Marie-Antoinette » n’ait jamais été ouverte au public, les touristes ralentissent en passant devant la maison, imaginant le passé.
La propriétaire actuelle, l’écrivain Léa Wait, qui a écrit ce texte, a inclus un peu de l’histoire de sa maison dans son livre mystérieux « Ombres sur la côte du Maine » et Sally Clough, la fille aînée du Capitaine Clough fait partie des personnages de son roman « En faisant halte à la maison ». L’histoire de la maison continue donc.
Copyright © 2010 OSSAU-KATAHDIN.