On ne peut évoquer le Béarn, sans parler des célèbres mousquetaires bien connus dans les romans de Dumas. Le texte est extrait d’un document de nos amis de la « Confrérie des Mousquetaires de Baretous » d’après un texte d’André Lassargue.
Nous commencerons par Henri d’Aramitz, apparenté à Jean Vincent d’Abbadie, baron de Saint Castin.
Il s’appelait Henri d’Aramitz. Mais il fut ni le Chevallier d’Herblay, ni l’évêque de Vannes, ni le duc d’Alaméda, ni le général des jésuites, ni l’étrange mousquetaire, hermaphrodite de soldat et d’ecclésiastique, qu’Alexandre Dumas a un mis en scène.
Henri d’Aramitz, simplement écuyer et quoique peut-être protestant, était pourtant abbé, mais seulement abbé laïque d’Aramits en Barétous. C’est-à-dire qu’il se bornait à recevoir les dîmes, sans rien n’avoir à faire avec le culte.
Carte postale d’Aramits sur laquelle on remarque l’abbaye, détruite aujourd’hui.
A la différence des autres mousquetaires béarnais, il était d’origine militaire noble. Son grand-père le capitaine huguenot Pierre d’Aramitz avait joué un rôle fort actif dans les guerres de religion qui sévirent dans le Béarn et la Soule à l’époque de Jeanne d’Albret. S’étant marié avec Louise de Saugis, fille de noble Louis de Tardets, écuyer et abbé laïque de Saugis en Soule, il eut trois enfants ; Phébus, Charles et Marie, qui devait devenir la mère de Tréville.
Charles, du fait que son aîné mourut en bas âge, devint le chef de famille à la mort de son père. Il entra aux mousquetaires dans la compagnie de son cousin Tréville. Il se maria avec Catherine de Rague, fille du capitaine Jean de Rague, écuyer, abbé laïque de Laruns et seigneur d’Espalungue. De cette union naquirent trois enfants : Henri et deux filles.
Henri d’Aramits, donc l’Aramitz de Courtilz de Sandras et de Dumas, entra à son tour aux mousquetaires en même temps qu’Athos et à l’époque où d’Artagnan arrivait à Paris c’est-à-dire en mai 1640. Avait-il préalablement servit comme cadets aux Gardes ? C’est probable si l’on se réfère à la durée de ses services militaires. A ce moment là, Charles d’Aramitz, le père d’Henri était lui-même maréchal des logis de la compagnie des Mousquetaires. Ainsi, auprès de son cousin Tréville et de son père Charles, Henri d’Aramitz se trouvait vraiment chez lui aux mousquetaires.
Hélas ! de ses campagnes on ne sait rien sauf, « qu’il servit pendant une quinzaine d’années dans les troupes du Roi ». Que devint-t-il après la dissolution de la compagnie des mousquetaires en 1646 ? On l’ignore.
Le 16 février 1650, probablement vers la fin de son service, il se maria avec demoiselle de Béarn Bonasse et dut rentrer en Béarn. D’où, sa relation de cousinage avec Jean-Vincent d’Abbadie, Baron de Saint Castin. De cette union naquirent quatre enfant, deux garçons Armand et Clément, et deux filles.
Le 22 avril 1654, « estant sur le point de faire un voyage à Paris, ne sachant les événements qui peuvent survenir, considérant que la mort certaine et l’heure icelle incertaine » il convoque à la maison d’Aramitz le notaire de Baretous et lui dicte son testament (commençant par la phase précitée) qui avantage sa femme et institut Armand son héritier universel ;
Il dut revenir à Paris car il assista, avec sa femme, à un mariage en février 1659.
Ensuite on perd sa trace et il disparaît des archives connues à ce jour.
Panneau situé sous le porche
Nous évoquerons Athos.
Le comte de La Fère, le père du vicomte de Bragelonne, le mari de Milady, le mousquetaire un peu olympien imaginé par Dumas, n’a été en réalité en la personne de Sillègue d’Athos d’Autebielle, que le mince cadet béarnais d’une famille de Sillègue gravitant autour de Sauveterre-de-Béarn.
Le premier des Sillègue, que l’on connaît est Tamonet, dit dans un acte, « seigneur de la maison de Sillègue » ce qui ne doit pas nous abuser. Il a eu pour fils Peyroton, marchand, qui sera l’arrière grand-père du mousquetaire
Eglise St Pierre à Athos:
Tamonet et Peyroton font des affaires en commun. En 1553, ils achetèrent la terre d’Autebielle, tout près de Sauveterre. En 1555, ils acquièrent les rentes et les revenus de la maison et salle de Cassaber et, en 1557, « leur maison, gentillesse et salle d’Athos, avec actions, fiefs, honneurs, justpatronat du rectorat ».
C’est Peyroton qui semble avoir été le véritable fondateur de la seigneurie de la famille puisque c’est lui en réalité, qui acquiert Athos et Autebielle, aussi sera-t-il qualifier de noble Peyroton de Sillègue, seigneur d’Athos, de la salle de Cassaber et d’Autebielle. Et, en 1797, il se verra même donné du « monseigneur ».
Jusque là, une fois le plus, les écus, non les armes, auront été les agents de cette ascension.
Illustration tirée des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, édition de 1849. De Agostini/Getty Images
Peyroton s’est marié deux fois. De son premier mariage il a eu un fils Bertrand, et du second mariage, trois enfants. Mais ces derniers ne nous intéressent pas ici.
Bertrand de Sillègue, seigneur d’Athos et de Autebielle (grand-père du mousquetaire) marié à noble Catherine de Monein a eu un fils, Adrien.
Cet Adrien de Sillègue seigneur d’Athos et d’Autebielle, épouse N. du Peyrer, marchand à Oloron
(donc de la famille de Tréville). De ce mariage naissent deux fils Jean et Armand.
C’est cet Armand de Sillègue et d’Autebielle qui devait être le mousquetaire universellement connu sous le nom d’Athos. Cadet, que pouvait-il faire, puisque à son ainé reviendraient les seigneuries d’Athos et d’Autebielle, sinon entrer dans l’armée ou dans les ordres ?
Neveu de Tréville à la mode de Bretagne, Bertrand de Sillèguea dû à cette qualité et probablement aussi à ses talents d’escrimeur d’être accepté dans la compagnie des mousquetaires en 1640, après un passage préalable dans les Gardes.
Hélas ! De lui ne devait se subsister que la seule mention suivante figurant au registre des décès de l’église de Saint-Sulpice à la date du 21 décembre 1643 « Convoy, service et enterrement du deffunct Armand Athos dautebielle mousquetaire de le garde du Roi, gentilhomme du Béarn, pris proche de la halle du Pré au Clercs »
Le Pré-aux-Clercs au bord de la Seine sur un plan de 1550.
L’église pouvait-elle dire, en ces temps d’interdiction des duels, qu’Athos avait péri dans un duel au Pré au Clerc, lieu ordinaire de ces rencontres et avait été ramassé sur le terrain ? Non, certes, ce n’est que trop clair. Et l’on imagine derrière le convoi, Tréville et les mousquetaires, peut-être d’Artagnan, sourcils froncés, ne pensant qu’à venger le disparu.
Ainsi, pour nous, tout ce qui est resté du véritable Athos, ce sont ces quelques lignes, c’est-à-dire d’un l’image d’un gisant abandonné sur l’herbe ensanglantée. Ce n’est que dans Dumas que l’épée d’Athos était perpétuellement invincible.
D’après « Sur les traces des Mousquetaires Béarnais ». Document de la Confrérie des Mousquetaires de Baretous.
Dans cette lettre, nous évoquerons Porthos. D’après « Sur les traces des Mousquetaires Béarnais ». Document de la Confrérie des Mousquetaires de Baretous.
En réalité il s’appelait Portau, Isaac de Portau ou Pourtau. Mais Courtilz de Sandras, suivi en cela par Dumas, a jugé que Porthos rimant avec Athos sonnait mieux que Portau, un peu court.
Ces Pourtau, d’après Jaurgain, étaient originaire de Gan près de Pau. Le père d’Isaac était secrétaire du Roi et des états de Navarre et notaire général du Béarn : un personnage important. Il acheta des seigneuries et se fit anoblir.
Il se maria en secondes noces avec Anne d’Arrac de Gan, fille d’un ministre protestant. Anne fut assistée par le lieutenant général du Roi en Béarn, Nompar de Caumont, seigneur de La Force, dont Isaac devait être l’homme de confiance.
Ceci semble indiquer que les Portau, patronnés par la Force, étaient de fervent protestants. De ce mariage naquirent trois enfants Jean, Isaac et Jeanne.
C’est le puiné, Isaac de Portau, né à Pau le 2 février 1617 qui devait être le Porthos légendaire. Cadet, comme Athos, il se dirigea vers l’armée. Comme ce dernier, il commença par entrer, en qualité de cadet-gentilhomme, dans les Gardes Françaises, compagnie des Essarts, le beau-frère de Tréville, ce qui est significatif. Il se trouvait donc dans cette compagnie lorsque d’Artagnan s’y rendra à son tour en 1640 et ils firent ainsi campagne ensemble jusqu’en 1643, date à laquelle Portau passa aux mousquetaires, donc l’année même de la mort d’Athos.
Le château de Porthos à Lanne-en-Barétous
(qui fait actuellement office de gîte)
Combien de temps y resta-t-il ? On ne le sait. Après cette date de 1643 on ignore à peu près tout de la carrière et de la vie d’Isaac de Portau, dont le frère Jean aurait été gouverneur de la place de Navarrenx. Il faut donc s’en remettent à la tradition qui lui attribue une gentilhommière de Lanne-en-Baretous, pour évoquer son souvenir.
Illustration de Porthos par Vivant Beaucé. Edition de 1849 par J.-B. Fellens et L.-P. Dufour. DeAgostini/Getty Images
Il n’y a donc rien ne commun entre le Portau de la réalité, le garde et le mousquetaire qui partagea à un moment donné la vie militaire de d’Artagnan et le Porthos de Dumas, le baron de Bracieux et de Pierrefonds, fort comme un éléphant, mais court d’esprit et naïvement vaniteux qui s’est vu prêter l’histoire du baudrier de Besmaux.
Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas
Vivant Beauce (1818-1876), illustrateur, Paris, 1845.
1 estampe : lithogr. en coul. ; 67 x 52 cm
BnF, ENT DO-1 (BEAUCE,Vivant)-FT6© Bibliothèque nationale de Fran