Par Eric Thierry
Lorsque Champlain fonde Québec en Juillet 1608, Henri IV règne sur la France et sur la Nouvelle France. Les deux hommes se connaissent bien. Après chacun de ses voyages, l’explorateur rencontre son souverain et s’entretient longuement avec lui. Plus tard, quand Louis XIII régnera, Champlain se souviendra avec nostalgie du « Feu Roi Henri le Grand ». Il faut dire que l’intérêt de ce dernier pour l’Amérique est bien antérieur à sa montée sur le trône en 1589, qu’il a été entretenu par plusieurs de ses proches serviteurs et qu’il a grandement facilité les fondations de l’Acadie et de Québec.
Un intérêt pour l’Amérique né de la guerre de course
Jusqu’en 1589, Henri IV est appelé Henri de Navarre, car il est le fils d’Antoine de Bourbon, descendant de saint Louis, et de Jeanne d’Albret, reine de Navarre. Sa naissance et sa foi lui valent d’être à la tête des protestants français engagés dans une lutte sanglante contre leurs compatriotes catholiques depuis 1562. Ces guerres de religion, qui se succèdent avec de courts répits, sont non seulement de terribles guerres civiles, mais aussi des conflits internationaux de grande envergure. Henri de Navarre est soutenu par l’Angleterre anglicane et les États évangéliques d’Allemagne et tous cherchent à affaiblir l’Espagne qui est à la tête du camp catholique en Europe.
Obligé de s’intéresser très tôt aux problèmes français et européens, le futur Henri IV manifeste, dès 1568, de l’intérêt pour les questions maritimes et coloniales. Le jeune adolescent de quatorze ans se trouve alors dans le grand port atlantique de La Rochelle en compagnie de sa mère et de l’amiral de France, Gaspard de Coligny. Ensemble, en septembre, ils créent « l’Armée de Mer » des huguenots, une flotte chargée de défendre leur cause et de la financer, en s’emparant de navires catholiques, quelle que soit la nationalité de ceux-ci, qu’il s’agisse de galions ibériques chargés de métaux précieux du Nouveau Monde ou d’épices d’Asie, ou de terre-neuvas basques ou bretons remplis de morues, d’huile de baleine ou de fourrures.
Henri de Navarre devient vite le chef incontesté de ces corsaires huguenots puisque c’est lui qui signe leurs lettres de course en tant qu’amiral de Guyenne – charge qu’il occupe depuis 1563 et qui place sous sa juridiction tout le littoral atlantique français – et roi de Navarre, après la mort de Jeanne d’Albret en 1572. Cela lui vaut
de recevoir une partie des prises et de pouvoir s’entretenir fréquemment avec les marins qui combattent en son nom. L’un des plus fameux est le normand Jacques de Sores. Bien connu pour ces faits d’armes, surtout la prise de la Havane à la tête de l’escadre huguenote à partir de 1569, en remplacement du sieur de la Tour.
L’ouverture maritime du futur Henri IV doit aussi beaucoup à son plus proche conseiller à partir de 1576, Philippe Duplessis-Mornay. A l’occasion des ses séjours en Angleterre et de ses rencontres avec des corsaires d’Elisabeth Ier, dont Francis Drake en 1577, celui-ci a acquis la capacité d’élargir sa réflexion à l’ensemble de la planète. En témoigne son Discours au roi Henri III sur les moyens de diminuer l’Espagnol. Il y écrit qu’en attaquant l’empire colonial du roi d’Espagne Philippe II simultanément dans l’isthme de Darien, en Méditerranée en s’emparant de Majorque, et en direction des Indes orientales en rouvrant, grâce à l’alliance du Turc et de Venise, la route de Suez pour faire affluer au moindre coût les épices d’Insulinde, on pourrait bloquer les flux croissants d’hommes et de marchandises qui profitent en toute exclusivité à l’hégémonie espagnole. Grace à lui, Henri de Navarre comprend que la victoire sur l’Espagne ne doit pas être obtenue seulement sur le continent européen, mais aussi outre-mer.
Une fois devenu roi de France, à partir du 2 août 1589 à la mort de son cousin Henri III, Henri IV manifeste encore beaucoup d’intérêt pour les questions maritimes et coloniales. Comme ses prédécesseurs de la dynastie des Valois, il conteste le traité de Tordesillas de 1494 dans lequel l’Espagne et le Portugal se sont partagé l’Amérique. Aussi, lors des négociations qui aboutiront à la paix franco-espagnole de Vervins conclue le 2 mai 1598, réclame-t-il le droit pour les Français de faire du commerce dans les colonies ibériques, mais comme il se heurte au refus total de Philippe II, il encourage en sous-main ses sujets à organiser des expéditions de piraterie dans la mer des Caraïbes et au large du Brésil.
Henri IV s’intéresse également à Terre-Neuve, au golfe du Saint-Laurent et à l’Acadie, dont il connait l’importance, pour l’économie française des richesses en morues et en fourrures. Il sait que les corsaires anglais sont de plus en plus présents dans ces eaux en ces années 1590. Les prises de morutiers français se multiplient et lorsque ceux-ci ne sont pas originaires d’un port ligueur encore insoumis, leurs propriétaires se plaignent auprès de son ambassadeur à Londres ou vont à la cour pour lui demander d’intervenir personnellement. Il n’ignore pas que l’Angleterre cherche à s’approprier les pêcheries terre-neuviennes. En 1597, une expédition anglaise dirigée par Charles Leigh est lancée pour créer un établissement permanent sur les îles de la Madeleine. Ayant quitté Londres le 18 avril, l’expédition atteint sa destination le 28 juin, mais ses membres ne peuvent pas débarquer à cause de l’opposition des équipages de deux navires bretons et de deux vaisseaux basques soutenus par trois cents autochtones micmacs. Ils reviennent en Angleterre le 15 septembre.
Henri IV réagit d’autant plus fermement qu’il se souvient que Cartier et Roberval ont pris possession du Canada au nom de François Ier et qu’une loi fondamentale oblige le roi de France à ne pas laisser à son successeur un territoire diminué, puisqu’il n’est que l’usufruitier et non le propriétaire de la couronne. Le 12 janvier 1598, il fait de La Roche le successeur de Roberval en le nommant lieutenant général en Nouvelle France et lui ordonne de s’y fortifier et de la peupler avec des personnes condamnées à mort, au bannissement ou aux galères à perpétuité. Il n’assure pas le financement car les caisses de l’Etat français sont vident à l’issue des guerres de religion. Son nouveau lieutenant général devra se contenter d’un monopole du commerce avec les indigènes.
Ile de Sable, Carte de Parcs canada
Au printemps 1598, La Roche largue une cinquantaine d’hommes sur l’île de Sable, un plateau desséché de dunes et d’herbes qui est le point culminant, et le seul émergé des bancs de Terre Neuve. Il a choisi cet endroit à cause de la présence d’un troupeau de bovins et de cochons à demi sauvages et de la richesse en poissons et en animaux marins de ses eaux peu profondes où se mêlent le courant du Labrador et le Gulf Stream, mais aussi parce que passent près d’elle la plupart des terre-neuvas. L’île de Sable a un grand intérêt stratégique pour celui qui veut se livrer à la course aux dépens des ennemis de son roi ou s’enrichir en vendant des permis aux pêcheurs venus de France ou d’un Etat ami.
La Roche va maintenir la colonie par des envois annuels de ravitaillement, sauf en 1602, où une rébellion se produira. Lorsque son émissaire retournera sur l’île de Sable, au printemps 1603, onze hommes seulement auront survécu, offrant le spectacle d’un total dénuement. Ils seront rapatriés et, mandés par Henri IV, ils se présenteront vêtus de peaux de bêtes, ce qui fera sensation.
Le rôle déterminant de l’entourage immédiat
Entre-temps une cabale a été montée contre La Roche pour profiter de son peu d’efficacité. Ses animateurs sont des membres de l’entourage immédiat d’Henri IV. Le plus important d’entre eux est Pierre Chauvin, sieur de Tonnetuit, qui est gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Installé à Honfleur, il investit dans les pêcheries terre-neuviennes depuis au moins 1596 et rêve de pouvoir s’emparer du monopole commercial de La Roche. Il peut compter sur l’appui d’un autre gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, Pierre Dugua de Mons, qui est originaire de Royan, ainsi que sur celui d’un autre proche du roi, son valet de chambre, Pierre de Beringhen qui, quoique originaire de Prusse occidentale est allié, par son mariage, à une riche famille de l’île de Ré. Tous ont entendu un associé de Chauvin, le Malouin François Gravé, parler des riches possibilités de profits offertes par la traite des fourrures à Tadoussac, au confluent du Saguenay et du Saint Laurent. Doté par Henri IV d’un monopole commercial ne couvrant que l’embouchure du Saint-Laurent, Chauvin ne tarde pas à organiser une expédition au Canada. Il part avec Gravé et Dugua de Mons et, durant l’été 1600, fait construire une habitation à Tadoussac. Les Montagnais qui vivent là acceptent facilement cette installation de Français, car ils espèrent d’eux de l’aide pour lutter contre leurs ennemis, les Iroquois, qui font des raids dans la vallée du Saint-Laurent. Chauvin laisse seize hommes et regagne la France. Durant l’hiver 1600-1601, le froid, le manque de vivre et le scorbut tuent la plupart des Français, et les autres ne doivent leur survie qu’aux autochtones qui les accueillent et les nourrissent. Ces survivants rentrent en France sur le navire envoyé par Chauvin en 1601 et l’habitation est abandonnée. Cela déçoit les Montagnais qui se voient privés de toute possibilité d’assistance militaire des colons. Gravé, associé à Chauvin, s’en rend compte lors d’un nouveau voyage au Canada en 1602. Faute de moyens pour entretenir une colonie permanente, il se résout à demander de l’aide à Henri IV. Pour le convaincre de l’amitié des autochtones de Tadoussac, il ramène en France deux d’entre eux et les lui présente. L’entrevue a lieu à la fin de l’année 1602. Le roi assure les deux Montagnais qu’il leur veut du bien, qu’il désire peupler leur terre et faire la paix avec les Iroquois ou leur envoyer des forces pour les vaincre. Depuis 1600, Henri IV a eu l’occasion d’obtenir des renseignements sur les bonnes dispositions des autochtones de l’embouchure du Saint Laurent et sur les avantages que les Français peuvent en tirer.
Il a reçu les visites de marchands malouins et rouannais opposés au monopole de Chauvin. Tous lui ont dit combien leur est préjudiciable la perte de la « traite ordinaire » que depuis longtemps ils ont « vers lesdits pays » et celle de la « connaissance » qu’ils ont des « peuples, mœurs, côtes et demeures ».
Immédiatement après l’ambassade montagnaise Henri IV se résout à favoriser l’installation durable des français sur les rives du Saint Laurent, mais n’ayant toujours pas d’argent disponible à avancer il préfère encourager l’association de tous les marchands intéressés à la traite. Il leur demande de se réunir à Rouen dès la fin du mois de janvier 1603 sous la présidence conjointe de La Cour, premier président au parlement de Normandie, et de Chaste, vice-amiral de France et gouverneur de Dieppe, mais les discussions cessent à la mort de Chauvin en février.
Preuve de l’intérêt que porte Henri IV à l’implantation des Français au Canada il choisit, comme titulaire d’un monopole du commerce couvrant désormais toute la vallée laurentienne, le plus prestigieux des deux coprésidents de la réunion de Rouen, Chaste. Celui –ci parvient à créer une société avec les anciens associés de Chauvin et envoie outre-Atlantique Gravé, pour remonter le Saint Laurent, trouver un site propice à l’installation de colons et inventorier les ressources disponibles.
Samuel de Champlain obtient alors d’Henri VI l’autorisation d’accompagné François Gravé pour faire au roi un fidèle compte-rendu de l’expédition. Contrairement à ce qu’a supposé l’historien américain David Hackett Fischer, il n’est pas un fils illégitime de d’Henri IV. Né à Brouage, d’un père probablement issue d’une vieille famille noble d’Anjou, il a été formé au renseignement dans le service des logis de l’armée royale pendant la guerre menée en Bretagne contre le duc de Mercœur, de 1592 à 1598. Un séjour dans les Antilles, au Mexique et à Cuba de 1599 à 1600, et la relation qu’il en a faite, lui ont valu la confiance d’Henri IV et une pension lui permettant de rejoindre les géographes dont le roi aimait s’entourer à la cour.
Aux côtés de Champlain et des deux amérindiens amenés en France l’année précédente, Gravé entre dans le port de Tadoussac le 26 mai 1603. Les deux ambassadeurs font le récit de leur réception par Henri IV et de leur séjour en France devant le chef Anadabijou qui exprime toute sa satisfaction. L’alliance que l’inaction de Chauvin a mise en péril est restaurée et Gravé peut même l’élargir aux Algonquins, et aux Etchemins, des alliés des Montagnais présents pour fêter une victoire commune contre les Iroquois. Ensuite, à l’aide de deux guides autochtones, Gravé et Champlain remontent le Saint-Laurent jusqu’aux rapides de Lachine, puis rentrent en France en passant par Gaspé, où ils retrouvent un autre associé de Chaste, le Malouin Sarcel qui leur raconte être allé en Acadie jusqu’à une montagne riche en cuivre et avoir appris des indigènes l’existence de nombreuses autres mines en particulier d’argent.
A Paris, en octobre 1603, Gravé présente à Henri IV un jeune amérindien qui lui a été confié par son père, le chef Montagnais Bechourat. Le roi traite l’enfant comme le sien et l’envoie rejoindre sa progéniture au château de Saint-Germain en Laye. L’existence de « Petit Canada » au contact des princes et princesses sera malheureusement brève: baptisé le 9 mai 1604, il aura comme parrain et marraine, deux des enfants d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, Alexandre et Catherine-Henriette, mais il tombera vite malade, et malgré les sollicitudes du futur Louis XIII qui lui fera partager ses repas il mourra le 18 juin suivant, laissant au dauphin un vif souvenir.
En permettant à l’enfant de Bechourat de grandir aux côtés des siens, Henri IV ne fait que se conformer à la tradition féodale. Il est bon que le fils d’un vassal soit élevé dans le proche entourage du suzerain de son père. L’affection ne peut que renforcer la fidélité. Henri IV tient à établir des relations de cette nature avec les princes amérindiens. Il le veut autant plus qu’il est bien décidé à permettre aux Français d’exploiter en paix les riches mines acadiennes dont Sarcel a révélé l’existence à Gravé et Champlain.
Les fondations de l’Acadie et de Québec
Amar de Chaste étant décédé entre-temps, Henri IV nomme le 8 décembre 1603, un des associés de celui-ci, Pierre Dugua de Mons, lieutenant général « aux pays, territoires, côtes et confins de La Cadie » du 40e au 46e degré de latitude Nord, c’est-à-dire au nord de la Virginie confié à Raleigh par Elizabeth 1er en 1584, et le charge de « traiter et contracter […] paix, alliance et confédération, bonne amitié, correspondance et communication avec lesdits peuples et leurs Princes ». De plus il lui cède pour dix ans le monopole de la traite des fourrures sur le littoral Atlantique aux mêmes latitudes dans la Gaspésie, et sur les deux rives du Saint-Laurent, contre l’obligation de transporter, en Acadie, dès la première année, soixante personnes.
Dès février 1604, Dugua de Mons parvient à s’associer à des marchands de Rouen, Saint-Malo, La Rochelle et Saint-Jean-de-Luz. Partie de Honfleur et du Havre sur deux navires en 1604, son expédition se retrouve en Acadie le mois suivant. Elle explore les côtes des actuels de Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-Brunswick à la recherche d’un lieu propre à une habitation et choisit de s’installer sur l’île Sainte-Croix dans l’actuel Etat américains du Maine. Pendant le premier hiver, le scorbut emporte 35 ou 36 hommes et les survivants préfèrent déménager, dès l’été 1605, de l’autre côté de la baie de Fundy, dans celle de Port-Royal, l’actuel baie d’Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse.
Les alliances des Français avec les Etchemins et les Micmacs sont consolidées et d’autres sont ébauchées avec les Armouchiquois qui vivent plus au sud, mais les mines trouvées se révèlent très décevantes. Finalement la colonie se maintient jusqu’en août 1607, date à laquelle les colons l’abandonnent pour rentrer en France à la demande de Dugua de Mons. Désireux de contrôler le marché de la fourrure en Europe, des marchands d’Amsterdam ont tellement mis à mal son monopole que sa compagnie a dû être dissoute durant l’hiver 1606-1607. Soucieux de plaire à ses alliés hollandais, ainsi qu’à Sully, que ceux-ci ont su gagner à leur cause, le roi de France a fini par révoquer le privilège de son lieutenant général le 17 juillet 1607.
Le 7 janvier 1608, Henri IV accepte de surseoir pour un an à la révocation du monopole de Dugua de Mons. La raison est qu’il a appris la fondation de la colonie anglaise de Saint-Georges, dans l’actuel Etat américain du Maine, à la fin de l’été 1607. Les sujets du roi de Grande-Bretagne Jacques Ier empiètent désormais sur le domaine accordé par Henri IV à Dugua de Mons en 1603 et le risque est grand de les voir s’approprier toute l’acadie. Ils pourraient revendiquer légitimement celle-ci, puisqu’il n’y a plus de français installés là à demeure, la colonie de Port-Royal ayant été abandonnée.
Dugua de Mons profite du revirement royal pour envoyer un navire en Acadie, mais en fait partir deux pour Québec, que Champlain fonde en 1608. Il veut rentabiliser au plus vite son entreprise coloniale. Depuis le voyage qui l’a fait en 1600 à Tadoussac, il sait que les Montagnais et les algonquins disposent d’un grand nombre de pelleteries venant de la baie d’Hudson et des grands lacs et qu’ils sont prêts à les échanger contre des marchandises européennes. De plus, Champlain a déjà connu le site du Québec en 1603 et il lui en a révélé toutes les possibilités: le Saint-Laurent s’y resserre; on peut y construire un fort destiné à attirer les Montagnais et les Algonquins pour la traite et s’assurer ainsi le contrôle du grand fleuve.
Installé sur la « pointe de Québec » avec ses hommes, Champlain vit difficilement l’hiver 1608- 1609, puis entreprend l’exploration du pays des Iroquois. Ceux-ci sont les grands ennemis des Montagnais et des Algonquins. En allant les combattre chez eux, Champlain compte renforcer les alliances franco-amérindiennes. Il y parvient à Ticonderoga, le 30 juillet 1609, en remportant une grande victoire sur les Iroquois avec ses alliés montagnais, algonquins et même hurons. Il s’empresse de rentrer en France pour en informer Dugua de Mons, mais entre-temps, le 6 octobre 1609, Henri IV a révoqué définitivement le monopole de celui-ci.
Le roi de France ne craint plus la perte de l’Acadie. En effet, la colonie de Saint-Georges a été abandonnée à la fin de l’année 1608, à cause de la mort de beaucoup de colons durant l’hiver 1607-1608 et de l’hostilité des autochtones. De plus, Henri IV songe alors à ouvrir à ses sujets le commerce avec l’Asie et il a besoin du concours des marchands opposés aux privilèges de Dugua de Mons. En janvier 1609, un projet a déjà pris forme, celui d’explorer l’Arctique à la recherche d’un passage dans le nord-est pour aller en Chine. Henri IV a donné son accord pour la création d’une compagnie chargée d’occuper le « détroit polaire » sous la direction de Michel Poncet, sieur de la Pointe. Il a accepté aussi de finances une expédition du marchand d’Amsterdam Isaac Le Maître devant être menée par le navigateur anglais Henry Hudson, puis finalement par le capitaine hollandais Melchior Van den Kerchichove. Un navire commandé par celui-ci a quitté Amsterdam le 5 mai 1609. Il avait été convenu qu’en cas de succès le retour se fera en France, mais l’expédition est un échec et le navire revient à son port d’attache, après avoir rencontré d’immenses icebergs obstruant le détroit de Kara.
Lorsque le poignard de Ravaillac met fin au règne d’Henri IV 14 mai 1610, la compagnie franco hollandaise des Indes orientales n’a pas encore vu le jour et Champlain doit faire face à un afflux de concurrents pour la traite des fourrures sur les rives du saint Laurent. L’œuvre maritime et coloniale du roi défunt apparaît fragile. Sa politique a été en fait très pragmatique : soucieux de faciliter l’accès de ses sujets aux richesses vraies et supposées de l’Amérique du nord, il a soutenu les initiatives prises par des Français pour nouer des alliances avec les autochtones, mais comme s’il s’est agi d’avancer des fonds pour favoriser la création d’une colonie permanente, il s’est toujours souvenu qu’il devait avant tout financer la reconstruction de son royaume et la lutte contre l’Espagne en Europe.
Historien français Eric Thierry a publié chez septentrion une édition des œuvres de Champlain annotée en français moderne il est aussi l’auteur de « la France d’ Henri IV en Amérique du nord » paru chez Honoré champion.
Pons : la tour
Après avoir été gouverneur à Pons (commune du département de Charente-Maritime) durant plusieurs années de 1610 à 1618, De Mons se retira au château des Ardennes (propriété privée de nos jours) où il décédera.