Anne d’Entremont

ANNE D’ENTREMONT

(1694-1778)

De l’Acadie au Béarn

Anne est née en Acadie en 1694. Son père, Jacques de Mius d’Entremont, est le fils du célèbre Philippe de Mius d’Entremont qui avait reçu en 1653 la baronnie de Pobomkoup (actuel Pubnico en Nouvelle Écosse) des mains du gouverneur de l’Acadie d’alors, Charles de saint Étienne de la Tour. Sa mère, Anne, est une descendante de ce dernier.

Anne est connue pour avoir vécu longtemps (jusqu’en 1778) et donc d’avoir été contemporaine des grands événements de l’histoire de l’Acadie au XVIIIème siècle (Attaques des Anglais contre Port Royal en 1707 et 1710, Traité d’Utrecht en 1713, Grand dérangement 1755-1763, Traité de Paris en 1763….)

Elle est connue aussi pour s’être mariée trois fois et d’avoir engendré une nombreuse descendance.

Trois périodes peuvent être distinguées dans sa longue vie.

Première période en Acadie (1694-1710)

La famille d’Anne appartient à l’élite acadienne. Elle est alliée en particulier aux Saint-Castin, son frère Philippe a épousé Thérèse, fille du Baron Jean-Vincent d’Abbadie. Elle est donc la belle-sœur par alliance de Bernard-Anselme, le fils le plus connu du Baron.

Anne épouse très jeune, en premières noces, le chevalier Antoine de Saillans, ancien mousquetaire, enseigne dans un détachement de troupes de marine. Cet officier est blessé mortellement le 7 septembre  1707 alors qu’il défend aux côtés de Bernard-Anselme de Saint Castin, l’établissement de Port Royal contre une attaque des Bostoniens, dirigés par le Colonel John Marsh. Il est inhumé le 8 septembre par le prêtre justinien Durand, récollet missionnaire à Port Royal.

Voilà donc Anne veuve à 13 ans !

En 1710, la prise définitive de Port Royal par les Anglais l’oblige à partir pour Plaisance (établissement français de terre-Neuve) où elle a de la famille, abandonnant ce qui reste de ses biens en Acadie.

Seconde période à Plaisance et à l’Île Royale (1710-1718)

A Plaisance, Anne fait la connaissance de Philippe de Pastour de Costebelle, gouverneur de la colonie depuis 1706. Philippe Pastour de Costebelle naquit en 1661, avant le 8 novembre,  à Saint-Alexandre, village proche de Pont-Saint-Esprit, où sa famille est signalée dès l’an 1400. Il était le second fils de François-Barthélemy, avocat au parlement du Languedoc, capitaine et châtelain des baronnies de Thorrenc et d’Andance en Vivarais, et de Marie Du Plessis, seconde femme de François-Barthélemy. On lui connaît trois frères : l’aîné Louis, que l’on retrouve en Acadie, les cadets Joseph et Barthélemy, et une sœur nommée Françoise.De Costebelle, pourrait-être son père, mais c’est apparemment un parti intéressant.

Fort de Plaisance vers 1675,

Archives nationales du Canada

En 1695, il a été fait Lieutenant du Roi à Plaisance en remplacement du baron de Lahontan, autre béarnais. En 1704, il s’est marié avec Anne de Tours de Sourdeval qui lui a donné une fille Anne Catherine de Costebelle, mais l’a laissé bientôt veuf. En 1706 enfin, il a été nommé gouverneur de Plaisance et il le restera jusqu’au Traité d’Utrecht de 1713.

En 1714, De Costebelle est nommé gouverneur de l’Île Royale (actuellement Capbreton en Nouvelle Écosse ) qu’il rejoint en octobre à partir de Plaisance. C’est à l’Île Royale qu’Anne l’épouse en février 1716, dans la chapelle de Port Dauphin (actuelle Englishtown ). Port-Dauphin est l’un des plus anciens établissements européens en  Amérique du Nord, ayant été créé en tant que port de pêche français en 1597. Son beau-frère, Philippe d’Entremont, avait épousé Marie-Thérèse de St Castin, la fille du Baron.

Ci-contre, gratification du Conseil de la Marine

pour Anne de Costebelle

En novembre 1716, elle l’accompagne en France où elle donne naissance le 11 avril 1717 à une fille, Marie-Josèphe, baptisée le lendemain à l’église Saint-André des Arts à Paris. Marie Mius d’Entremont, soeur d’Anne sera la marraine. En août 1717, le gouverneur repart pour l’Île Royale sur la frégate l’Atalante, mais malade, il dicte son testament en septembre à l’écrivain du bord. Mais son second mari meurt à l’Île Royale, peu après son retour de France sur le navire du Roi « L’Atalante ».

Library of Congress, Prints and Photographs division cph.3a45771   Hervey Smyth – engraved by P. Benazech L’Atalante dans le port de Québec

De Costebelle laisse à sa jeune femme de touchantes lettres d’amour mais lui laisse aussi de nombreuses dettes contractées pour assurer les dépenses de sa charge, en particulier la subsistance de ses soldats. Anne doit se débattre avec ses multiples créanciers : ses meubles et ses vêtements auraient même étaient saisis.

Troisième période au Béarn (1718-1778)

En 1718, Anne décide de retourner en France pour supplier l’administration royale de lui venir en aide. Elle s’établit au Béarn où elle a de la famille et retrouve notamment son beau-frère, Bernard-Anselme de Saint-Castin, rentré au pays avec son épouse Marie-Charlotte d’Amours en 1714. L’administration royale, par une décision du Conseil de la Marine, lui accorde une pension de cent écus. Mais, le 10 août 1719, elle contracte un mariage plus avantageux que les deux premiers, épousant à l’église Saint-Eustache de Paris, Laurent de Navailles,veuf, Baron de Labatut, officier au régiment de Navarre, descendant d’une des plus vieilles familles du Béarn. Les mariés sont assistés de Messire Paul de Navailles, son frère, de Jean Béon, capitaine de cavalerie, et de Charles Armand Hubert de la Rocatelle, écuyer gendarme de la Garde.

Ci-contre : aquarelle de Gaspard Gobaut

Musée Carnavalet, Paris

Plus tard, l’administration royale lui remboursera les avances faites par son second époux dont la succession se trouvera en définitive créditrice de 17 000 livres. Anne va désormais résider avec sa fille du second lit, Marie-Josèphe de Costebelle, au château de Labatut près de Mortemer dont dépendent des propriétés importantes constituant la seigneurie de Labatut-Figuières.  La famille de Navailles achète le fief de Labatut à la fin du XVe siècle. Le château est la propriété de la famille de Navailles du XVIe au XVIIIe siècle. Il sera très remanié au XIXe siècle. L’édifice se compose de deux étages carrés et d’un étage de comble, le gros-oeuvre en grès, calcaire, galet et enduit partiel, élévation à travées, surmontée d’une croupe et une flèche conique sur la tour, recouvertes d’ardoise… Cadastre de la commune de Labatut-Navailles

En 1736, Anne marie sa fille Marie-Josèphe à François de Rivière, Marquis de Giscaro, et aura la joie en 1738 de la naissance d’un petit- fils, Antoine de Rivière . De son troisième époux, mort en 1728, Anne aura cinq enfants et de nombreux petits- enfants. Pour s’en tenir à un seul de ses fils, Paul-Anne de Navailles, né en 1721, il  épouse le 26 novembre 1740, dans l’église Sainte-Croix d’Oloron-Sainte-Marie, demoiselle Marie de Taules, âgée de 17 ans, fille de noble Nicolas de Taules, seigneur de Domecq de Précillon (Précilhon aujourd’hui) et de Dame Jeanne de Barrau.

Acte de mariage de Paul-Anne de Navailles

et de Marie de Taules

Celle-ci est la fille de Nicolas de Taulès, originaire d’Oloron, qui avait acheté la maison noble du Domecq de Précillon dans le village du même nom. (Aujourd’hui Précilhon). Le couple aura cinq enfants et de nombreux petits enfants parmi lesquels Valérie de Navailles, née en 1823, mariée en 1841 au Baron Oscar Bernadotte, neveu du roi de Suède, Charles-Jean (1818-1844), établissant ainsi un lien avec une dynastie dont le fondateur était comme on le sait d’origine paloise.

Anne va s’éteindre le 15 octobre 1778. Elle était âgée de 80 ans. Elle a survécu à trois maris, à un gendre le Marquis de Giscaro, qui laissera sa veuve dans une situation financièrement précaire.

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